Dans certains articles de ce site j’attire votre attention sur la nécessité de se préparer à l’effondrement économique, non pas celui à venir mais celui qui est en cours et qui impacte de plus en plus notre mode de vie.
Je voulais partager avec vous différentes réflexions à ce sujet.
L’effondrement économique, c’est quoi ?
L’effondrement économique est un terme facile, réducteur et intellectuellement assez dangereux...Pourquoi ? Parce que le terme d’effondrement renvoi implicitement à un phénomène violent, survenant dans un laps de temps très court, type cataclysme biblique des films catastrophes.. merci Hollywood !
De nombreux exemples à travers le monde nous montre un phénomène plus sournois, moins spectaculaire, simplement plus lent.
En Grèce, par exemple, rien n’a cessé du jour au lendemain. Vous trouvez toujours des hôpitaux (ils sont devenus payants), des transports en commun (moins qu'avant mais toujours là), des policiers (même si maintenant, dans certains cas, vous pouvez les acheter), des supermarché remplis de choses inutiles comme chez nous (dans lesquels les grecs ne peuvent plus acheter faute d’argent)... toutes les apparences de la normalité.
Quels sont les enseignements du cas grec ? Sept ans après le début de la crise, quoi que l’on en dise et en dépit de toutes les difficultés, la Grèce ne s’est pas effondrée en tant qu’État et pays. L’eau coule dans les robinets, l’électricité fonctionne (pour le moment) et le pays n'est pas en guerre civile.
La Grèce, comme laboratoire de ce qui nous arrivera bientôt, nous montre à quel point il ne faut pas se faire avoir par la notion d’effondrement économique et la confondre avec une réalité qui est plus une lente dégringolade, une spirale récessive majeure entraînant les peuples dans la misère.
La déliquescence progressive des structures ne conduit pas, dans l'immédiat, à l’effondrement de la normalité et des structures étatiques.
Un autre problème réside dans les aspects démocratiques qui s’érodent globalement au même rythme que l’économie se délite. A partir de ce constat les États s’adaptent et se préparent à affronter des situations sociales explosives.
Il ne faut pas être un visionnaire pour comprendre que les droits démocratiques dont nous jouissons aujourd'hui ne sont pas adaptés à des situations exceptionnelles. Ce changement de paradigme sera certainement très difficile à admettre (restriction des libertés, restriction du droit de se rassembler pour manifester, contrôle d'internet, écoutes téléphoniques...).
Pour résumer, il y a deux possibilités.
- Soit nous serons confrontés à un effondrement brutal et violent, la grande catastrophe, entraînant ce que l’on appelle une rupture de la normalité (plus de flux d’approvisionnement, coupure des services comme les hôpitaux, les pompiers, l’eau courante ou encore l’électricité, plus d'essence dans les stations...). Dans un tel cas, il y a peu d'échappatoire, tout le monde est touché et impacté plus ou moins fortement (Les grandes métropoles plus que les petites villes, les petites villes plus que la campagne, ceux qui pensent qu'on viendra les sauver plus que ceux qui se seront préparés).
- Soit nous serons confrontés, comme en Grèce ou à Chypre, (ou dans une moindre mesure en Espagne, aux États-Unis et en Italie), à une lente chute économique, sociale et démocratique... menant à une défiance des institutions et à un clivage de plus en plus grand dans la société... ça vous dit quelque chose ?
Contrairement à l’hypothèse de l'effondrement brutal, ce n'est plus un risque collectif mais un risque avant tout individuel. C’est vous ou votre conjoint qui serez sans emploi. C’est vous dont la maison ou l’appartement sera saisi par le banquier. C’est vous qui serez obligé d’aller vous ravitailler à la soupe populaire.
Dans un tel cas de figure, il n’y a pas de rupture générale de la normalité, il n’y a que des ruptures individuelles de la normalité.
L’eau coulera, l’électricité fonctionnera, les stations services seront approvisionnées… mais vous serez privé de ces supports, non parce qu’ils n’existeront plus, mais parce que vous ne serez plus en mesure de vous les payer.
Les quatre exemples à avoir en tête lorsque l’on parle de préparation
Il existe de très nombreux exemples de crises plus ou moins violentes et durables. Après de nombreuses années de reportage dans des zones politiquement et économiquement instables, je sais de quoi je parle, j'ai vu de mes propres yeux des populations confrontées à des évacuations en urgence, sans bagage, au mieux ramassées par des convois humanitaires mais le plus souvent simplement jetées sur les routes. En général, ils perdent tout !
Voici les quatre grands évènements qui peuvent nous servir de référence pour notre préparation :
- La faillite de l’Argentine en 2001, pays développé et civilisé, dont la crise relativement récente donne un excellent aperçu de ce que peut être un effondrement économique rapide et brutal et de ses conséquences sur la vie quotidienne (banques fermées, comptes bloqués, magasins pillés, des milliers de gens expulsés de leur logement et se retrouvant à la rue...le tout en 24 heures chrono !), ça c'est un effondrement massif, généralisé et brutal. ici en lien un excellent article du DEVOIR qui résume la situation.
- La crise grecque depuis 2007, soit déjà sept années de difficultés arrivant par palier, progressivement. Dans ce cas, nous sommes dans une déliquescence sans rupture de la normalité, mais avec désormais 60 % de gens sans emploi, des difficultés réelles pour réussir simplement à se nourrir et alimenter sa famille et ses enfants. Sans parler de l’accès aux soins... et d'une crise démocratique pouvant faire basculer le pays dans un scénario catastrophique (type ex-Yougoslavie).
- La crise chypriote, qui nous donne l’illustration parfaite de ce qui va se passer concrètement chez nous lorsqu’il faudra renflouer à nouveau les banques. Ponctionner les épargnants directement sur leurs comptes bancaires deviendra une norme européenne (le décret permettant ce "hold-up légal" a déjà été adopté au parlement lors de la dernière loi de finance européenne en juillet 2013).
Malgré tous les plans de sauvetage envisagés les banques, dans leur forme actuelles ne pourront pas survivre à leur endettement hallucinant… 700 000 milliards de dollars à l'échelle de la planète ! mais avant leur effondrement, les titulaires de compte seront mis à contribution puis ruinés, les comptes seront engloutis dans le tourbillon gigantesque qui entrainera le système financier mondiale dans le plus grand crack de l'histoire.
- L'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans aux USA (qui n’est certes pas un exemple d’effondrement économique) mais c’est l'évènement récent qui nous montre le mieux ce qu’est une rupture majeure de la normalité (et pas dans un pays du tiers monde). Plus de services, plus d’État, plus d’approvisionnement, plus de sécurité (pour ne pas dire une situation d’anarchie totale), dans ce cas… le seul secours que vous auriez serait uniquement votre préparation et vos proches !
Définir à quoi on veut se préparer !
C’est l’une des questions clefs pour bâtir sa réflexion dont il pourra, par la suite, découler logiquement des actes de préparation concrets.
- Se préparer à un effondrement brutal va nécessiter en particulier un stockage très important de ressources permettant de pallier une rupture massive des approvisionnements et une situation de pénurie durable et généralisée (nourriture, eau, savons, bougies, médicaments, papier toilette...)
- Se préparer à un lent délitement va nécessiter moins de préparatifs « techniques » mais va plutôt se concentrer sur la préparation d'une base solide (dans tous les sens du mot) et pouvant relayer sur le long terme le manque de services ou de biens (un potager, des poules, un puits...), en bref un Refuge Autonome Sécurisé (RAS) (voir l'article sur l'évacuation).
Dans les deux cas je considère que la responsabilité individuelle est une valeur essentielle (l'Autonomie, le A dans ARTS), on constate trop souvent les mêmes commentaires : «Mais que fait l’État pour venir m’aider ? »
L’État ne peut déjà pas grand-chose lorsqu’il y a simplement un mètre de neige ou encore 2 mètres d’eau (La force publique vient en support, si elle le peut encore, en déclarant l'état de catastrophe naturelle par exemple mais cela se produit toujours après l'évènement, en attendant, face aux éléments vous êtes seul).
Je me souviens de la tempête en décembre 1999, dans mon village, nous sommes restés trois semaines sans électricité (dernier village du département relié au réseau), mon grand-oncle avait ressorti sa lampe à pétrole, son réfrigérateur était redevenu un placard et au bout de 22 jours il ne s'était pas aperçu du retour de l'électricité, il s'était adapté et avait retrouvé ses réflexes de vie quotidienne qu'il avait connu pendant la guerre...cela m'a beaucoup appris sur notre capacité de Résilience (le R dans ARTS.) et finalement je garde de cette période un sentiment étrange et presque nostalgique, tout le monde donnait un coup de main pour tronçonner, déblayer, nettoyer, on passait tous les soirs chez les personnes âgées pour vérifier si tout allait bien, on vivait avec le soleil, on se couchait tôt, on lisait à la lueur des bougies... une parenthèse dans nos vies rapides et inconscientes.
Ce qui suit n'a pas la prétention d'être un modèle (de toute façon il n'y en a pas) mais seulement de vous exposer les solutions que j'ai mis en œuvre, à titre d'exemple, et pour susciter un débat qui pourra s'avérer constructif pour chacun.
Et maintenant... que vais-je faire ?
Mon scénario est le suivant, j’ai 40 ans passé , je vis avec ma femme et j'ai deux enfants. Je considère (non en fait je sais) que notre retraite sera presque inexistante.
Dans le pire des cas, nous serons, avant ce problème de retraite, confrontés à un effondrement économique violent et brutal (20 à 30 % de probabilités) ou plus vraisemblablement à une lente déliquescence économique qui a évidemment déjà commencé (60 % de chances). J’estime à 20 % de chances (c'est peut-être trop optimiste) le fait que nous réussissions à traverser les temps troublés qui s’annoncent sans problème !
L’idée est donc d’organiser notre vie (maison et RAS - voir l'article sur l'évacuation-) en fonction de ces anticipations.
Nous vivons dans une petite maison au cœur d'une ville de province (30000 habitants + 30000 autres dans l'agglomération).
Nous avons un RAS à la campagne (40 kilomètres) nécessitant de gros travaux mais avec un gros potentiel (de la terre fertile et saine, une rivière, un puits et des murs solides). Le RAS a été acheté sans crédit, nous sommes vraiment chez nous.
Il faut distinguer les ressources de court terme (ce que nous avons en stock), avec les ressources durables et pérennes. C’est donc dans cette optique que nous mettons en place progressivement un potager et bientôt un poulailler.
Nous disposons de plusieurs cheminées et d’un poêle à bois avec quelques stères d’avance.
Bref, en cas de coup dur, en cas de retraite trop faible, ou pour tout autre cas que nous n'aurions pas prévu (surtout pour ceux là d'ailleurs) nous pourrons vivre dans notre RAS de façon simple mais décente sans que cela ne nécessite des revenus importants. Nous ne serons jamais autosuffisants et l’autarcie n’est pas un concept que nous visons, ne serait-ce parce que l’homme est un animal social et qu’il a besoin de contact humain (attention au syndrome Robinson). La structure du village où se trouve notre RAS est basé sur l'entraide depuis toujours, ce n'est pas un village dortoir et il a toujours une âme... c'est une grande chance.
Je considère donc qu’il s’agit d’une préparation « à spectre large » nous permettant de répondre à la plus grande majorité des situations… mais comme toute préparation, ou comme toute stratégie, seule l’épreuve des faits nous permettra de dire si cela était pertinent ou pas... qui vivra verra !
En attendant, grâce à notre RAS, nous avons la chance de pouvoir prendre l’air le week-end, en attendant nous pouvons profiter d’une maison pour nos vacances et voir les enfants courir et apprendre à faire du canoé... en attendant !
Le bonheur et le plaisir !
Voir le monde tel qu’il est, voir les risques tels qu’ils sont, doit nous rendre plus forts, plus responsables pour nous et nos proches, plus solides, plus prudents, mieux formés (l’acquisition de techniques et de savoir-faire est essentielle) mais sans jamais nous faire oublier pourquoi nous souhaitons anticiper !
Nous souhaitons anticiper car nous voulons protéger ceux que nous aimons et nous voulons protéger leur capacité et la nôtre à accéder au bonheur.
Dans nos préparatifs pour affronter la tempête qui vient, n’oublions pas que cela peut être et doit être aussi une source de plaisirs partagés, du fait de profiter de son potager au plaisir de faire des choses avec ses enfants, d’apprendre de nouvelles techniques et d’enrichir nos savoirs, tout cela peut donner du sens, et au bout du compte du bonheur !
Cet article n'est pas, je le répète, un modèle de préparation, mais simplement un aperçu de ce que j'ai mis en œuvre pour ma famille.
Je serai ravi que chacun donne son opinion, réagissez, débattez, apportez vos solutions...
Merci de votre attention.
Et enfin un autre exemple comtemporain d'effondrement plus lent mais tout aussi implaccable :
Le cas de la ville de Detroit dans le Michigan
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